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Bonjour tristesse…

Dernière mise à jour : 16 juil. 2021

Le crépuscule pointe sur l’EHPAD. Le soleil rougeoyant se déploie sur les lieux et repeint murs et acteurs. Ce soir, Théia* leur a fait une offrande somptueuse. Lucie est mélancolique. Elle sait la solitude de la souffrance. Ce veuvage, c’est toute sa vie qui bascule. Elle sait désormais ce que veut dire « la mort dans l’âme ». Elle ne veut pas « être consolée » : cela ne sert à rien. Tout devrait revenir comme avant, point final. Elle sait bien que ce n’est pas possible, mais à quoi s’accrocher ? A une vie vide, sans personne sur qui compter ? Comment se faire à l’idée qu’il ne reviendra pas ? Que c’est fini… Tous ces mots, toute cette vie, ces grands moments… Personne ne peut m’aider, pense-t-elle, à réparer, à retrouver, à revivre ces instants partis. Que croire ? Que si l’on sait que personne ne nous aide à réparer on peut aussi accepter d’être aidé à rester humain ? Que lui a dit Bernadette son aide-soignante ? « On ne pourra jamais vous aider à oublier… on peut juste vous aider à rester une personne vivante, qui continue. Est-ce que vous voulez bien de mon aide ? » Elle en a quand même eu les larmes aux yeux. Brave petite. Elle était affectée elle aussi. Au début, cela a énervé Lucie. Elle pensait presque qu’on lui volait le droit d’être malheureuse. Mais elle s’est bien vite raisonnée. « Offre toujours ton meilleur visage » lui disait sa mère. Elle a raison cette petite, avec ses mots simples, directs, vrais. Elle ne m’aidera pas à réparer ce qui est cassé mais elle m’aidera à continuer, à être vivante, humaine. Et c’est le meilleur chemin pour moi. Bernadette m’a aidé à reconstruire une perspective alors que je n’en voyais plus. Je repense à mon enfance, à la prose de Shakespeare : «L’esprit oublie toutes les souffrances quand le chagrin a des compagnons et que l’amitié le console...»


*Théia : Titanide de la vue et de la lumière brillante du ciel

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