Valérie était inquiète. Animatrice à mi-temps dans l’EHPAD, elle avait demandé depuis plusieurs mois à "passer à plein temps". Elle savait que cela ne dépendait pas que du directeur mais, optimiste, elle s’attendait à ce que cela arrive, même s’il ne lui avait rien promis.
Cependant, ce matin, il l’avait regardée bizarrement et lui avait demandé d’être dans son bureau à 11H30. Non, elle ne le craignait pas. Mais avec lui, l’on ne savait guère ce qu’il pensait. Il ne faisait jamais de promesses en l’air et ne commentait jamais publiquement les événements indésirables ou non.
Elle frappa.
- Asseyez-vous Valérie, lui dit-il. Vous avez évoqué dernièrement votre souhait de passer d’un mi-temps à un plein-temps, c’est bien cela ? » - Oui, Monsieur.
Elle rougit. Mais pourquoi se sentait-elle coupable d’avoir demandé plus que ce que l’on lui proposait ?
- On pourrait dire que le but de vos activités est de donner le plus de bonheur possible à vos résidents, non ?
- Oui, Monsieur
Elle n’aimait pas le mot bonheur. Elle ne le trouvait pas adapté aux EHPAD. Elle préférait les mots "qualité de vie", plus neutres.
- Eh bien, enchaîna-t-il, votre second métier sera d’apporter du bonheur aux équipes…
Valérie le fixa, incrédule. Il avait l’air tout à fait sérieux.
- Je ne vous apprendrai pas qu’il y a souvent du stress dans les équipes, n’est-ce pas ?
- C’est vrai, rétorqua Valérie.
Elle se demandait comment elle allait faire. Faire des trucs sympas avec les résidents c’était son truc, mais avec les équipes, elle ne voyait pas comment agir. - L’objectif de ce deuxième travail sera donc de mettre en place tout ce qui peut contribuer à créer et renforcer les liens entre tous les membres de cette équipe, y compris moi… lui dit-il alors. Votre premier objectif sera d’améliorer et de maintenir une bonne ambiance. Dans un second temps, cette mission accomplie, vous ferez également un travail de médiation, d’accompagnement des nouveaux collaborateurs, etc. Cela vous intéresse ?
Valérie commençait à comprendre…
- Oui, bien sûr… répliqua-t-elle.
- Il va donc falloir organiser des activités conviviales : par exemple des apéros, des ateliers de créativité, des concours internes, de la relaxation, de la gym… que sais-je encore… Ce sera un peu à vous de donner de la couleur à ce job…
- Ah oui, je comprends… dit alors Valérie.
Cela paraissait assez cool comme perspective. D’autant que Valérie était une meneuse pour les activités récréatives : elle avait organisé une série d’événements dans l’EHPAD et adorait ce genre de projet. Elle pensait toujours aux anniversaires des collègues, faisait réaliser secrètement des cadeaux par les résidents et était assez populaire.
- Vous êtes donc d’accord pour y réfléchir et me soumettre quelques projets, comme vous le faites déjà pour les résidents ? lui demanda-t-il. - Oh oui, tout à fait. Mais j’ai une question : comment cela va se passer avec les collègues ? - Vous voulez dire comment leur annoncer vos nouvelles missions ? - Oui, dit Valérie. - Je n’en sais rien, dit alors le directeur. Vous pourriez peut-être commencer par là… non ? - Oui, c’est vrai. - Donc pour l’instant, vous réfléchissez et vous ferez la surprise à vos collègues dès que vous serez prête, c’est bien ça ? lui demanda-t-il. - Oui, tout à fait.
Elle sentit qu’il était temps de prendre congé. - Je vous remercie de cette proposition et je pense que j’aurai quelques idées plus précises sous 48H00… - Très bien. Bon courage Valérie.
Elle sortit. Une collègue l’attendait. - Alors ? lui demanda-t-elle. - Alors rien encore mais je dois réfléchir à de nouveaux projets d’animation.
Bien sûr, Valérie mourait d’envie d’en parler mais elle savait qu’il serait nécessaire d’attendre le feu vert. Et elle ne l’obtiendrait que si son projet tenait la route. Elle ne connaissait personne qui faisait ce métier : responsable du bonheur… Donc elle ne compterait dans un premier temps que sur elle…
Quel drôle de métier, pensa-t-elle, mais il est vraiment fait pour moi…
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