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Robert 87 ans et l’idée de la mort

Dernière mise à jour : 16 juil. 2021

« Lorsque je suis arrivé à l’âge de 72 ans, je ne sais pas pourquoi mais je me suis mis à penser à la mort, à ma mort. Cette idée revenait sans cesse, dès que mon esprit n’était pas occupé. Le soir en me couchant, le matin en me levant, je pensais : tu vas certainement bientôt mourir…

Vous, vous ne pouvez pas vous en rendre compte. Cela n’arrive qu’à partir d’un certain âge. J’ai commencé à détester vraiment mes anniversaires : chaque chiffre supplémentaire me rapprochait de la fin. Je me suis mis à faire ce que je n’aurais jamais cru faire : regarder la rubrique nécrologique dans le journal.

Chaque fois que je voyais un « jeune » de 60 ou 65 ans qui était mort, je me sentais bien. D’ailleurs mes enfants pensaient que je me réjouissais de la mort d’autrui. Pas du tout… Je me réjouissais d’avoir eu plus de chance, c’est tout. Je pensais à l’époque que 80 ans était un bel âge pour mourir. Mais je n’ai plus pensé cela lorsque j’ai eu 79 ans. A ce moment-là, j’ai considéré que 85 ans était un bel âge pour mourir. Maintenant, à 87 ans, je pense que 92 ans est un bel âge pour mourir. Une autre peur s’est insinuée en moi et qui est probablement la conséquence de la peur de mourir : la peur de la maison de retraite. Je ne sais pas pourquoi mais dans ma tête, aller en maison de retraite c’était mourir. J’ai donc fait jurer à mes enfants de ne jamais me « placer » (puisque c’est l’expression consacrée) en maison de retraite. Ceux-ci, de guerre lasse, ont accepté. Maintenant, en y réfléchissant, j’ai l’impression que toute ma vieillesse a été gâchée par cette peur. J’avais peur qu’un enfant en skate-board me renverse et d’être transporté à l’hôpital donc je ne suis plus sorti. J’avais peur de prendre froid, donc je n’ai plus ouvert ma fenêtre. J’avais peur de tomber dans la salle de bains donc j’ai cessé de me laver… J’ai le sentiment que depuis 8 ans j’ai passé mon temps à avoir peur… »

Une pierre dans le jardin de ceux qui pensent que l’idée de la mort finit toujours par être acceptée, après diverses étapes.

Aujourd’hui, 95% des vieillards qui entrent en maison de retraite le font à leur corps défendant. Ils n’ont jamais, comme Robert, pris le temps de réfléchir à cette hypothèse. Ils n’ont jamais fait l’effort de se dire que c’était une option à envisager.

Robert avoue lui-même avoir manqué de maturité sur ce sujet et avoir « coincé » ses enfants dans un dilemme : promettez-moi de ne jamais me mettre en maison de retraite. Bref, la mort est une compagne silencieuse de chaque résident(e). Parfois, ils l’oublient en faisant des activités. Parfois, ils l ‘évoquent en nous disant : « Vous savez, je n’en ai plus pour très longtemps… ».

Généralement on est un peu pris de court lorsqu’on entend ces phrases. Spontanément on voudrait rassurer. Certains le font avec humour : « Mais non, ce n’est pas encore votre tour » d’autres évitent le sujet « Allez Mme Y, pensez à autre chose ».

En réalité, certains résidents ont besoin ou envie d’en parler mais ne savent pas comment faire… et les équipes ont aussi beaucoup de mal avec ces sujets…

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