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Une planète de névrosés ?

Dernière mise à jour : 16 juil. 2021

Comment fabriquer une planète de névrosés ? pensait tout haut Hécate. Tout fonctionnait bien : les actes les plus basiques (se nourrir, dormir) étaient devenus des « problèmes » grâce à une stratégie de communication bien menée. Il fallait maintenant que les hommes s’inquiètent pour rien et vivent dans un effroi permanent. Les réseaux sociaux devenaient la Mecque du désespoir : lorsque tout le monde prodigue des conseils à tout le monde, la fin de la civilisation n’est pas loin. Ses équipes étaient vent debout, 24H sur 24. Elles inondaient les réseaux de tautologies lénifiantes. La nouvelle tendance : « Comment être un bon voisin ? » avait été créée par une stagiaire. Elle pensait avec raison que tout le monde finirait par devenir un « mauvais voisin » juste en se posant la question. Le principe était très simple : remettre en cause la plus petite chose pour « anxiogéniser » les êtres humains. Cela fonctionnait à merveille. Les hommes avaient su faire la guerre pendant des siècles contre d’autres hommes. Ils allaient désormais guerroyer contre eux-mêmes.

Il fallait encore franchir une étape : l’autodestruction.

Pour cela, des idées noires se répandaient plus rapidement et plus efficacement que le CO2 : le travail rend malade, la vieillesse est un naufrage, la jeunesse un esclavage,…

Chaque raison d’espérer se retournait contre elle-même.

Au XXe siècle, on avait nommé cette épidémie « névrose noogène ».

On disait que se produisait un « vide existentiel », que chacun perdait le fil conducteur de sa quête de sens et que chacun se diluait dans une ronde éternelle de la tristesse…

Hécate, en stratège avisée, avait jeté son dévolu sur les hommes et les femmes âgés. Elle les savait capables de « savonner la planche » des générations à venir.

Cela marchait très bien : les plus âgés ne « vivaient plus » : ils étaient déjà enfermés dans la certitude que le présent est déjà passé. Cela impactait fortement toutes celles et ceux qui étaient à leur service. Le « bien » d’autrui devenait pour ces hommes et ces femmes un insupportable tourment. Ils s’éveillaient la nuit, terrifiés à l’idée de ne pouvoir faire le bien… « Le malheur est l’indispensable de l’existence » disait chaque jour Hécate à ses troupes « chacun doit fabriquer les conditions de son malheur pour pouvoir empoisonner autrui avec efficacité… »

« Oui », compléta la stagiaire « et prévoir ses malheurs, c’est aussi avoir la chance de les vivre plusieurs fois…. »

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