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Du bon usage de l'empathie…

Dernière mise à jour : 16 juil. 2021

On en parle beaucoup, on l’encense ou on la condamne, mais qu’est-ce que l’empathie ? Une machine à réussir les relations sociales, une machine à souffrir de la douleur d’autrui ou encore une machine qui fabrique de l’impuissance à lui venir en aide ?


Voici ce qu’en disent les psy …

Il est en effet admis par la grande majorité des chercheurs que l’empathie a deux composantes, la première affective, qui apparaît vers l’âge de un an, et l’autre cognitive, qui apparaît vers quatre ans et demi.


L’empathie affective est un système intuitif au fonctionnement rapide et automatique qui apparaît dès la première année de la vie et qui permet de se concentrer sur l’émotion d’autrui au point de l’éprouver soi-même sans se confondre avec lui.

Il s’agit donc d’une forme de résonance émotionnelle.


Au contraire, l’empathie cognitive est un système lent, délibératif et conscient dans lequel il ne s’agit plus de ressentir les émotions d’autrui, comme dans le stade précédent, mais de comprendre son point de vue en prenant en compte ses différences.

Cette posture nécessite d’intégrer un grand nombre d’informations, comme le caractère de l’autre, ses conditions de vie, ses particularités culturelles, etc.


Cette prise de perspective cognitive est parfois nommée « compréhension empathique ».

Mais ces deux composantes ne suffisent pas à créer l’empathie complète. Comme l’a bien montré Martin Hoffman (2008), l’empathie affective risque toujours de faire éprouver les douleurs d’autrui comme si c’était les siennes propres, au point de rendre incapable de lui porter secours.


Et inversement, l’empathie cognitive risque toujours d’être utilisée pour manipuler notre interlocuteur grâce à la compréhension que nous en avons.

Ce qui est essentiel, c’est la capacité de les articuler l’une à l’autre, de passer sans cesse de l’une à l’autre et de tempérer les dangers de l’une par les vertus de l’autre.


Cette « empathie mature », comme l’appelle Martin Hoffman, rend possible le fait de se mettre émotionnellement à la place de l’autre, préfigurant la capacité altruiste.


C’est aussi ce que montrent les travaux de Jean Decety, neuroscientifique spécialisé dans la compréhension des bases cérébrales de l’empathie,.


Bon, c’est dit : il y a donc dans l’empathie le meilleur et le pire… Mais n’est-ce pas le propre de l’homme ?


La nature nous dote de ressources et il nous appartient de les utiliser au mieux…

Et faisons-en bon usage, tout comme on peut faire bon usage du narcissisme, de l’égoïsme, de l’orgueil, etc.

Quel bon usage faire de cette empathie complète face aux troubles cognitifs des résidents ?

Eh bien la reformulation du sentiment perçu suivie d’une question visant à aider pourrait s’avérer utile.

« Vous avez l’air inquiète, ou en colère, ou triste, ou….

Comment pourrais-je vous aider ? (ou que pourrais-je faire pour vous aider ? avec toutes les variantes situationnelles : comment pourrais-je vous faire voir la « vie en rose » ? »)

Généralement, vous n’aurez fait que marquer votre attention, puis votre bienveillance.

La réponse est fréquemment « Vous ne pouvez rien faire pour moi… »


Il faudra, là encore, continuer de questionner :

« Vous pensez donc que personne ne peut rien pour vous ? ou que je ne peux vous aider ? »

La réponse sera généralement un oui, assorti d’une justification (souvent sous forme de plainte).

« Vous ne voyez donc rien ni personne pour sortir de votre tristesse, c’est bien cela ? »

On attend encore un oui (ou une approbation), ce sera le troisième. Si il est encore plus colérique, rompez…en disant « je vois » ou « je comprends ».

Si ce n’est pas le cas, formulez une proposition :

« Est-ce que ceci ou cela (télévision, radio, changer de place, aller dans le jardin …- il est indispensable de proposer deux alternatives*) pourrait améliorer les choses ? ».

*Pour les patients très affectés cognitivement des techniques non verbales se superposent.

Si cela marche, tant mieux, vous avez des raisons d’être satisfait, si cela ne marche pas, vous avez aussi des raisons d’être satisfait car vous avez fait le job.


Bien sûr, parfois, vous avez très envie de dire : « J’aimerais tellement vous voir de bonne humeur, j’aimerais tellement vous voir sourire… » Mais réfléchissez-y, n’y aurait-il pas une forme de chantage affectif ?

(La question toutefois, mérite d’être posée, débattue, au sein de l’équipe soignante avec de préférence un référent Ethique. Et une ou des réponses peuvent y être apportées : il est là l’intérêt de l’intelligence collective).


Mais si vous souhaitez vraiment vous en vouloir parce que compte tenu de tout l’investissement bienveillant que vous avez fait, la situation n’a pas évolué alors allez-y, faites à vous-même des reproches secrets, indignez-vous de ces injustices qui font que malgré tout votre engagement cela n’a pas fonctionné…Vous êtes dans la bonne direction du mauvais usage du narcissisme. Tenez-bon, le désarroi professionnel engendre la détresse émotionnelle qui elle-même…(je m’arrête là…).


En d’autres termes, plus on est bientraitant, plus on en fait une valeur « suprême » et plus le risque d’éclater en vol (tel Icare) est grand.

En même temps, la bientraitance (qui est rappelons-le la concrétisation de la bienveillance) est indispensable.

Il appartient donc à chacune et chacun de « se distancier » de ses pratiques : de garder la fierté et d’éliminer les frustrations, de donner le meilleur et savoir accueillir le pire, de vouloir réussir et de savoir échouer.


Pensez à Sylvester Stallone qui dit à son fils (dans un film) « Aujourd’hui, mon fils, tu as fait la plus importante découverte de ta vie : tu as appris à perdre ». Il est un bon coach pour les grands sujets de la vie…

Sans images mentales fortes pour nous soutenir, nos bonnes intentions resteront lettres mortes. Concrétisons le fait de savoir accepter les frustrations en équipe, construisons nos outils, nos rappels.


Evoquons les, invoquons-les : eux-seuls nous donneront la force et la distance nécessaire…

Si l’homo singularis et l’homo individualis ont du mal à s’accorder, rien ne s’y oppose réellement. La réconciliation interne est le meilleur atout professionnel dont on dispose. A nous de la construire ensemble.

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