Dans les familles d’autrefois, le père se différenciait de la mère en n’offrant pas aux enfants un amour inconditionnel. Les enfants savaient que la conduite ou le carnet de notes étaient des éléments probants pouvant justifier reproches ou compliments.
Il en va de même pour le manager paternaliste. Il récompense ou punit, il aime ou déteste, c’est selon. Il pardonne ou sanctionne, il adoube ou rejette, c’est sa manière d’être. Il exige beaucoup mais paie de sa personne. Il veut que ses "enfants" soient parfaits.
Le lien avec les collaborateurs est donc surtout affectif.
Le paternaliste rassure : environnement contraignant, travail difficile, changements et normes qui s’additionnent sans, bien sûr, que l’on prenne la peine d’évaluer cette surcharge de travail et de la compenser, il est là : sévère mais juste. Il fixe les repères.
On peut le critiquer : il ne masque guère ses défauts. Oui, il est parfois injuste, ne prend pas toujours de gants, laisse parfois parler de manière brute ses sentiments…
Plus il attendra d’autrui et plus il sera autoritaire. Père nourricier et normatif, il est prévisible. On le craint, on le déteste mais on le respecte.
Certains le font avec plus de brio que d’autres mais sur le fond chacun sait qu’il est attentif. Il exige la perfection, soit, mais cela lui importe personnellement. L’échec d’autrui, c’est son échec. La réussite d’autrui est aussi la sienne.
Le manager paternaliste a été vilipendé ces trente dernières années. Et pourtant il n’a pas disparu. Il se sent parfois coupable de ne pas être ce manager idéal post-moderne, au fond de lui son cœur lui ordonne d’être ainsi et il peine à déguiser.
Les organisations qui ont peu de contraintes et d’excellentes opportunités choisissent plutôt le manager "grand frère". Il est plus proche, plus "cool", culturellement et d’avantage compatible. Il est celui que l’on va devenir.
C’est plus aisé : pour devenir le père, il faut tuer. Pour devenir grand frère il faut juste mûrir un peu.
Réhabiliter le paternalisme ne serait pas revenir en arrière : ce serait assumer l’humanité managériale qui protège, incite et contrôle non pour des motifs rationnels de rentabilité ou productivité mais par devoir, par volonté d’élever les hommes ?
Pour le reste, bien sûr, ce serait une question de forme. Le papa du XXIe siècle tweete, son autorité apparaît plus légitime et les collaborateurs sont en droit d’attendre avec exigence un accompagnement qui inclut le respect et l’affection que papa porte à ses enfants devenus adultes.
Elle est donc là la clef : avec lui, obéissance n’est pas soumission…
Il rêve aussi d’être dépassé. Il a pour ses enfants de hautes ambitions. Il se veut exemplaire. Il assume ses petites manies et ses marottes du passé. Il ne se nourrit pas du lait du jeunisme. Il est prêt à changer sa manière de gouverner si cela peut aider autrui à progresser.
L’exigence de l’autorité dans sa version légitime doit d’avantage lier les managers aux hommes à travers une vraie bienveillance. Elle suppose deux qualités primordiales : "oser dire et savoir dire".
Préserver et conserver son autorité : c'est un des plus beaux droits que les managers ont reçus de la nature… pourvu qu’ils en usent avec efficience.
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